texte de Maurice Gérarcht

         Au premier abord, l’Ɠuvre de Fanny Pochon prĂ©sente des affinitĂ©s avec les expressionnismes figuratifs qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e : elle partage avec eux la cĂ©lĂ©bration de la peinture et du geste pictural, en mĂȘme temps que les compositions dynamiques visant Ă  souligner l’engagement Ă©motionnel qu’expriment ses sujets et qui la lie Ă  eux. Mais Ă  l’enracinement dans les traditions du XXĂšme siĂšcle, caractĂ©risĂ© par un glissement de la forme vers la densitĂ© psychologique, Fanny Pochon ajoute un espace propre, Ă  l’intĂ©rieur duquel l’artiste explore et enrichit ce langage visuel. Ce faisant, c’est sa propre capacitĂ© Ă  voir et Ă  ressentir qu’elle cherche Ă  Ă©largir, la sienne autant que la notre, par ricochet. La libertĂ© des lignes sensuelles Ă©quilibre avec force les teintes retenues de la palette, une ligne aussi perceptible dans les longues touches amples Ă©voquant les grandes toiles de l’expressionnisme abstrait. En contrepoint de cette fluiditĂ©, de fermes contours contrĂŽlent les couleurs et la touche, pour imprimer aux motifs un rythme polyphonique. L’apparente spontanĂ©itĂ© de sa ligne, convient-il d’ajouter, est clairement le rĂ©sultat d’une longue pratique du dessin. C’est de cette maĂźtrise que Fanny pochon tire l’agencement de ses figures. Les structures sous-jacentes sont solides. Les compositions aussi serrĂ©es que dynamiques. L’intensitĂ© Ă©motionnelle naĂźt des tensions entre une palette trĂšs dĂ©finie et la spontanĂ©itĂ© apparente de la touche, associĂ©e Ă  une construction dynamique : rĂ©flexion et exubĂ©rance, humour coriace et ironie sĂšche, joie et rire, douceur autant qu’angoisse s’y entremĂȘlent dans une combinaison complexe dont la tristesse n’est pas absente.

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Maurice A. Gerarcht,

Recadrer l’intime : « variations sur le cadre » de Fanny Pochon ;

Interfaces n°28 (2008), CollÚge of the Holly Cross, Université Paris Diderot